« Petite Cassandre » de François Dominique – Chronique littéraire

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Il y a quelques temps, j’ai reçu de la part des Éditions du Murmure cet ouvrage intitulé Petite Cassandre, écrit par François Dominique.

Un grand merci à cette maison d’éditions et plus particulièrement à Jérome pour l’envoi de ce recueil !

Cassandre, un si joli prénom qui est pourtant bien mis à mal par l’Antiquité grecque.
Selon la mythologie, Cassandre était une femme d’une beauté subjuguante ce qui amena le dieu Apollon à tomber amoureux d’elle. En échange du don de prophétie que le dieu lui offrait, elle devait partager sa couche, ce qu’elle refusa. Fou de colère, Apollon la maudit et elle fut condamné à annoncer les mauvaises nouvelles pour le restant de sa vie.

Cela donne le ton… et comme l’écrit si bien l’auteur :

« Aucun éclair de joie dans double destin ; aucune place pour les jeux de l’enfance. »



Quatrième de couverture 

« Ces poèmes, Petite Cassandre, paraissent en même temps qu’un roman nommé Solène publié chez Verdier. J’y vois deux livres jumeaux ; ils se sont côtoyés pendant plus de sept ans, depuis un séjour d’avril, non loin de l’Esterel. Sept ans, paraît-il, c’est l’âge de raison ; mais Solène n’a pas d’âge, c’est ce qui la rend attrayante et effrayante à la fois. Est-elle vivante ? Est-elle morte ? Quel crédit accorder à la vitalité d’un personnage de fictions, d’un être de papier ? Ce qui relève ici de la biographie ne sera pas montré, à moins que le lecteur et la lectrice ne veuillent s’approcher de cette enfant comme d’une soeur, d’une fille, ou plutôt se rapprocher d’eux-mêmes, dans le rappel soudain de leur propre enfance.

Solène et Petite Cassandre ont croisé le parcours de Bernard Plossu, il y a quatre ans. […] Je rêvais d’un livre de poèmes où quelques vues sans phrases seraient « photopoèmes », inscrits aisément dans le silence intercalaire des pages. C’est chose faite.  » 

Qu’en ai-je pensé ?

C’est toujours très difficile de sortir de sa zone de confort et ce, même lorsqu’il est question de livres. Férue d’époques anciennes et n’appréciant pas forcément le genre poétique lorsqu’il est trop récent, découvrir ce recueil était pour moi un véritable challenge. Pourtant, j’ai très rapidement été happée par les petits poèmes de François Dominique.

L’auteur nous plonge dans l’environnement de l’enfance, mais pas celle que l’on imagine, que l’on connait ou que l’on découvre dans les contes. Une enfance noire, sombre. Ténébreuse. Mon sentiment en lisant ces poèmes était peut-être un peu maladroit, mitigé. Peut-on aimer ou ne pas aimer ces poèmes ? Je me sens spectatrice  de  ces mots posés là sur la feuille, ensemble, dans un tout dont je ne perçois pas forcément le sens. Aussi, je vais m’efforcer simplement de donner un avis personnel et sans jugement aucun sur ma lecture.

J’ai trouvé cette centaine de pages absolument fascinante tout en présentant un paradoxe évident.

Enfance noire.

Véritable oxymore. Une oeuvre particulièrement dure car nous entrons dans un monde considéré bien souvent comme doux, joyeux, musical et que nous nous trouvons face à des mots durs, brutaux. Effrayant.

Voici un petit extrait qui m’a marqué par sa violence et la douleur dont il nous inonde (et également la dimension historique qu’elle dégage, je l’avoue…). Vous le trouverez en page 18.

Qui s’y colle ? 

Une fille
une enfant
joue aux dés
sous les ruines de Troie

Elle entend
votre voix
et répond
à l’appel de son nom

La voici
devant vous
trébuchant
sur les chemins du temps

Elle entend
« qui va là »
les mots gris
de l’angoisse muette

Regardez
sous les murs
de la ville
cette flaque de sang

Une marre
un reflet
d’eau granat
où s’abreuvent les chiens

On m’avait vanté un onirisme moderne ce qui peut être compris comme un délire constitué de représentations concrètes, mobiles comme celles du rêve et vécues intensément par le sujet et effectivement, l’onirisme est présent. J’ai été entièrement happée par les mots de l’auteur.

La tension est palpable. Les enfants décrits semblent sortir des mots et des images qui illustrent leur lugubre monde. Il faut s’accrocher mais on ne le regrette pas. Ce voyage littéraire est nécessaire car il nous emmène dans les tréfonds mélancoliques de l’enfance, tréfonds qui, malgré notre volonté de préserver l’innocence de ces douces années, tendent à exister et à se faire une place parmi nous.

Le choix des mots de François Dominique n’a d’égal que l’image d’une enfance mélancolique et funeste qui se dégage de cet ouvrage.


Alors au final, qu’en reste t il ? Une flopée de sentiments ambigus. Certains poèmes m’ont dérangée, d’autres m’ont plu, une rime, un enchevêtrement de mots, quelques sonorités. J’ai eu peur parfois, à leur lecture, de me faire emporter dans un monde qui n’est pas le mien, dans une aventure que je n’aurai pas complètement choisie. Peur de perdre l’image douce et rassurante de mon enfance choyée pour celle d’un monde plus sombre, pour ne pas dire dans certains cas, noir et inquiétant. Il y a du paradoxe dans le fait de passer le pas et de poursuivre la lecture en sachant que, peut-être, on sèmera alors le trouble dans notre inconscient et nos souvenirs… Mais c’est bien à cela que sert la poésie à poser des mots sur des émotions que l’on ne ressent pas encore, à imaginer un monde qui n’est pas le sien, et parfois, tant mieux d’ailleurs. C’est accepter qu’un autre vous prenne la main pour vous emmener découvrir ce qui l’a marqué dans son existence et vous fasse découvrir un monde à la fois fascinant et dérangeant  mais dont , vous, vous pourrez toujours fermer la porte en posant votre livre  après votre lecture. C’est prendre un peu du fardeau des âmes trop lourdes pour faire rejaillir dans le monde les émotions enfouies de n’être pas partagées. Allez y si vous vous sentez prêt ou si vous ne le sentez pas. Allez y pour faire votre part, allez y et plongez vous dans la beauté de la poésie.


Ce recueil est illustré avec les photographies de Bernard Plossu. J’ai personnellement trouvé que ses clichés reflètent  parfaitement l’atmosphère qui émerge du livre et nous enveloppe, volontairement ou involontairement. En noir et blanc, le plus souvent flous, laissant notre imagination s’activer pour bâtir notre propre vision des poèmes du monde de Petite Cassandre.


Un petit mot sur l’auteur ? 

Capture d’écran 2017-06-03 à 16.19.53.pngFrançois Dominique est né à Paris en 1943. Il est écrivain et traducteur. Il est l’auteur de plusieurs romans et récits, de recueils de poèmes et d’essais.

Le préface de Petite Cassandre nous apprend que le recueil a été écrit au même moment qu’un autre livre, un roman cette fois-ci : Solène. Récompensé par la mention spéciale du jury, Prix Wepler-Fondation La Poste 2011 et par le Prix Littéraire Charles Brisset 2012, il a particulièrement attiré mon attention car dans de nombreux poèmes issus de Petite Cassandre, la protagoniste est appelée Solène. Peut-être donc sera t-elle ma prochaine lecture qui fera écho avec celle-ci…


Où pouvez-vous trouver cette œuvre? 

En cliquant sur les liens suivants :

Directement depuis le site des Éditions du Murmure ;

….. sur Amazon 

       …. ou sur le site de la Fnac

4 réflexions sur “« Petite Cassandre » de François Dominique – Chronique littéraire

  1. Chartres sans gluten dit :

    « C’est prendre un peu du fardeau des âmes trop lourdes… »
    Voilà une très belle phrase qui évoque ce que parfois la poésie peut susciter en nous.
    Tu as raison, il est vain de « juger »… Mais nous faire partager ton ressenti est un beau cadeau. Et nous offrir un extrait reste la meilleure des façons de célébrer ce mode d’expression fascinant et de découvrir cet auteur !

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